La médiation animale est une méthode d’intervention utilisée comme auxiliaire aux thérapies conventionnelles où l’animal joue un rôle d’intermédiaire entre le praticien et la personne ciblée. L’animal est considéré comme agent de médiation.
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Émergence de la zoothérapie
Avant d’en découvrir ses origines, intéressons-nous à l’étymologie de ce mot : le mot « zoo » vient du grec et signifie « ce qui est animal » et le mot « thérapie » trouve aussi ses origines du grec « therapeia », à savoir une cure ou un soin.
– Un peu d’histoire…
Depuis l’avènement des premières civilisations, les hommes ont surtout entretenu des rapports de « consommation » avec les animaux qui ont d’abord été chassés pour nourrir les populations, puis domestiqués. Notamment, on estime que le chien a été domestiqué de façon constante depuis 14 000 ans. Cependant, des chercheurs auraient découvert les preuves d’une première domestication du chien il y a 33 000 ans. Au Moyen Age, les animaux feront même l’objet de procès, les accusant de représenter Satan et seront condamnés à mort. Et Descartes, avec sa théorie de l’animal-machine enlèvera aux animaux la possibilité de ressentir des émotions et de posséder une raison :
« […] Ceux qui, sachant combien de divers automates, ou machines mouvantes, l’industrie des hommes peut faire, sans y employer que fort peu de pièces, à comparaison de la grande multitude des os, des muscles, des nerfs, des artères, des veines, et de toutes les autres parties qui sont dans le corps de chaque animal, considéreront ce corps comme une machine […]. »
Avec Henri III, la mode du chien de salon est lancée et les portraits animaliers sont très nombreux au xviiiè siècle. Pourtant, avec la Révolution Française et le sort réservé à la noblesse et tout ce qui la représente, on guillotine les veneurs et leurs chiens…
Au xixè siècle, on commence à porter un regard positif sur les animaux et les concepts de respect et de protection des animaux apparaissent.
– Avant la zoothérapie
De nombreuses expérimentations de mise en relation entre l’homme et l’animal ont eu lieu sans qu’elles soient suivies de recherches…
C’est au ixè siècle de notre ère que l’on retrouve la première mise en relation d’animaux et de personnes malades : il s’agissait d’oiseaux mis en présence de patients d’un asile à Gheel, en Belgique :
« Les uns s’intéressent au bétail auprès duquel ils vivent, d’autres aux oiseaux dont ils se font des compagnons. Il est à Gheel un aliéné qui ne pense qu’aux oiseaux ; nul n’est plus ingénieux que lui pour les attraper. Une fois en cage, il ne les quitte plus : il les promène de sa cellule dans la chambre de la famille, ou bien ils s’ébattent au soleil pendant que leur maître vigilant monte la garde pour les préserver de la dent des chats. Est-il douteux que ces jouissances simples et naïves n’écartent bien des tristesses, et ne puissent même aider à rétablir l’harmonie de l’âme et du corps ? Privez cet homme de la compagnie de ses oiseaux, indubitablement son état empirera »
En 1792, William Tuke, scandalisé par les soins déplorables prodigués aux personnes atteintes de troubles mentaux, crée l’institut « York Retreat » dans le Yorkshire. En plus d’offrir une prise en charge plus douce et moins contraignante, il met en contact les malades avec des lapins et des volailles dont ils doivent s’occuper.
De nombreux exemples peuvent être aussi évoqués. Retenons en quelques-uns :
– Florence Nightingale, infirmière britannique pendant la guerre de Corée en 1854, qui était accompagnée d’animaux (notamment d’une tortue) afin d’adoucir un peu les conditions de vie et d’hospitalisation des soldats,
– le docteur W.A. White, à la fin de la Première Guerre Mondiale, dans l’unité psychiatrique de l’Hôpital de Washington,
– en 1942, dans un hôpital militaire à New York, les blessés étaient mis en présence d’animaux et ils pouvaient même s’occuper des animaux de la ferme proche de l’hôpital…
– Le fondement de la zoothérapie
« L’animal ne se nourrit d’attentes idéalisées envers les humains,
il les accepte pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils devraient être. »
Boris Mayer LEVINSON
Mais c’est à B. M. Levinson que l’on doit l’émergence de la zoothérapie en tant que telle. En effet, il a mis en évidence les retombées positives de la présence d’animaux sur les êtres humains. Ce fut le premier à intégrer des animaux au cours de ses séances de thérapie. Pourtant, c’est tout à fait par hasard qu’en 1953, Levinson, alors pédopsychiatre, fut témoin de la rencontre fortuite dans son cabinet d’un enfant autiste et de son chien Jingles qu’il avait oublié de faire sortir avant le début de la consultation. A la plus grande surprise de Levinson et de ses parents, l’enfant habituellement mutique entre en communication avec le chien en cours de séance : l’enfant parle au chien et le touche.
À partir de cet événement, il multiplia les expérimentations et les études pendant plusieurs années (sans oser en parler à ses collègues…) : il met en présence de ses jeunes patients, un animal pendant les séances de thérapie. Il observe que les animaux sont des facilitateurs de communication et créent, grâce à leur présence rassurante, un environnement sécure pendant les séances de thérapie : l’animal joue le rôle de médiateur entre le patient et le thérapeute.
Il conçoit alors la théorie fondée sur le principe du jeu devenant vecteur de communication entre l’enfant et l’animal qu’il nomme « Pet Oriented Child Psychotherapy[4] ».
En 1962, dans la revue « Mental Hygiene », Levinson publie un article sur les bienfaits que la présence d’un chien peut apporter dans un cadre psycho-thérapeutique : « The dog as a co-therapeut ». Pour l’ensemble de ses recherches et publications consacrées aux effets bénéfiques que l’animal peut apporter à l’homme, la communauté scientifique s’est accordée pour attribuer à Levinson le titre de « père fondateur de la zoothérapie ».
Dans la continuité des travaux de Levinson, Samuel et Elisabeth Corson, psychiatres américains, entreprirent, dans les années 70, de mettre des chiens face à des adolescents souffrant de troubles du comportement (les traitements tels que les neuroleptiques et les électrochocs étant inefficaces…). Les résultats furent prometteurs :
« Sur un groupe de 50 patients, seuls trois restent indifférents, tandis que tous les autres améliorent leur capacité à communiquer avec d’autres personnes. D’autres formules seront testées avec succès : un chat par service dans un hôpital, des oiseaux dans les salles de groupes de parole, des séances hebdomadaires de soins prodigués par les patients à des hamsters ou même à des perruches… »
En France, un vétérinaire bordelais, Ange Condoret suit les traces de Levinson en reprenant ses recherches et surtout ses expérimentations en mettant en contact des animaux avec différents publics tels que des enfants d’école maternelle présentant des troubles de la communication. La présence d’animaux permet aux enfants d’être rassurés et stimulés pour améliorer la qualité de leurs échanges avec leur entourage. Puis, Condoret s’intéresse au personnel médical d’un hôpital et à leurs patients, des enfants psychotiques : cette expérimentation débouche sur l’écriture d’un article. Dans le prolongement de son travail de recherche, en 1977, il fonde et assure la présidence de l’AFIRAC (Association Française d’Information et de Recherche sur l’Animal de Compagnie). Hubert Montagner lui succède et publie de nombreux ouvrages sur l’enfant et l’animal :
« Les enfants ont aussi une forte probabilité de déverrouiller leur monde intérieur et de s’installer sur le versant de la sécurité affective dès lors qu’ils perçoivent une possibilité d’accordage avec un chat, un cheval […] mais également avec d’autres animaux – lapins, cobayes, chèvres. La réduction de l’insécurité affective au cours des interactions avec un animal familier est particulièrement évidente chez les enfants qui n’ont pas noué un attachement « sécure » avec leur mère, leur père ou un autre partenaire humain. »
Depuis les années 80, la zoothérapie s’est imposée en Amérique du Nord où le terme est toujours utilisé. Au Canada et en Suisse, des associations de zoothérapie sont même déclarées d’utilité publique.
Définition de la zoothérapie
Comme nous l’avons évoqué en amont de notre propos et à la lumière de ses précurseurs, nous pouvons nous accorder sur une définition synthétique de la zoothérapie :
C’est « une méthode clinique qui cherche à favoriser les liens naturels qui existent entre les humains et les animaux, à des fins préventives et thérapeutiques ».
Et pour compléter cette définition, « Zoothérapie-Québec » peut nous y aider :
« La zoothérapie est une intervention qui s’exerce sous forme individuelle ou de groupe, à l’aide d’un animal familier soigneusement sélectionné et entraîné, introduit par un intervenant qualifié auprès d’une personne en vue de susciter des réactions visant à maintenir ou améliorer son potentiel cognitif, physique, psychologique ou social. »
A noter que le sens du mot « thérapie » en français le réduit au traitement des maladies afin de guérir et de retrouver la santé. A contrario, l’on peut préférer l’approche de l’O.M.S. qui donne un relief différent à la notion de « bonne santé » :
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité […].»
– Les bienfaits attendus de la médiation animale
Quel que soit le cadre choisi (T.A.A. ou A.A.A), l’intervention en zoothérapie implique obligatoirement une « complicité entre le désir de l’animal et son aptitude d’encourager l’être humain, et d’autre part, une sensibilité pour ce dernier à l’animal qui va être utilisé dans le cadre de sa thérapie ».
Auprès de différents publics, quel que soit leur âge ou leur problématique, la zoothérapie est potentiellement en capacité d’apporter aux personnes accompagnées de nombreux effets positifs et permet d’atteindre ces objectifs : restaurer ou favoriser la communication, atténuer un sentiment de solitude et rester en contact avec son environnement, renouer avec ses émotions, vivre une situation de réussite et se sentir valorisé, diminuer son mal-être, empêcher le repli sur soi, être plus attentif et plus concentré, se sentir responsable, améliorer la perception des notions d’espace et de temps.
Les principaux champs d’action de la zoothérapie » sont la T.A.A. (Thérapie Assistée par l’Animal) et les A.A.A. (Activités Associant l’Animal).